Le Parfum - Histoire d'un meurtrier / Tom Tykwer, Coprod européenne - 2006
Bien du monde aura voulu s'atteler à cette adaptation du roman éponyme (au sous-titre près) de Patrick Süskind: Ridley Scott, Milos Forman, Martin Scorsese, et même Tim Burton. Et pourtant, c'est au quasi inconnu (quasi car il a quand même dans ses bagages le très exporté Lola rennt, qui a fait connaître Franka Potente, bien avant la trilogie Bourne) Tom Tykwer que le film est revenu.
Et au final, le quasi inconnu s'en sort plus que bien.
La trame de l'histoire est simple: au 18è siècle naît à Paris Jean-Baptiste Grenouille, avec un odorat sur-développé. Mais vraiment sur-développé. Il peut sentir n'importe quoi à des centaines de mètres autour de lui. Mais, le problème, c'est que, trimballé d'esclavgistes en exploitants minables, il ne possède aucune éductation, et aucune manière, de sorte qu'il ne connaît pas la limite entre le bien et le mal, et reste la plupart du temps monolithique.
Se rendant compte du don que la nature lui a donné, il ne va alors avoir que de cesse de le perfectionner, afin de créer le parfum parfait, aidé par les maîtres parfumiers qu'il rencontrera sur sa route, en particulier Baldini, ancienne gloire maintenant déchue, qui aura avec Grenouille une relation des plus ambigües, tour à tour maître et élève puis maître et serviteur. Jusqu'au jour où Grenouille prendra son indépendance, non sans raison, celle-ci étant (forcément) pas des meilleures.
Le film possède plusieurs grandes qualités, qualités qui ont fait de lui LE FILM DE L'ANNEE 2006 (pour moi, ex-aequo avec SHORTBUS).
Tout d'abord, une qualité d'interprétation sans faille. Au vu des attributs de Grenouille, il était facile de tomber dans des travers du type "interprétation caricaturale", le monolithisme étant souvent traité avec une complaisance rarement atteinte chez les acteurs. Or, ici, Ben Whishaw, dont c'est là le premier grand rôle, s'en sort à merveille, et réussit (à une ou deux exceptions près) à faire passer les (non-)sensations éprouvées par son personnage, et ce avec brio. Même lors du final, il saura en convaincre plus d'un.
Mais, il y a ici un acteur qui revient de loin, même s'il s'est fait évincé par Ben Whishaw: c'est ce bon vieux Dustin Hoffman. Après de nombreuses années passées loin des vrais succès critiques, on peut considérer qu'il fait ici un excellent retour. Il était temps.
Ensuite, deuxième grande qualité du Parfum, c'est son script. Sans avoir lu le bouquin, il est fort possible que celui-ci soit vraiment bon à l'origine, car l'adaptation l'est. Par la quête de l'ultime senteur de Grenouille, c'est aussi après sa propre identité que court Grenouille, identité symbolisée par son odeur, qu'il devra aller (ultime métaphore) construire de toutes pièces à partir d'odeurs étrangères. A travers ses maîtres qui, tous, décèderont car l'ayant utilisé pour leur propre profit, c'est la quête d'indépendance qui y est symbolisée, ainsi que la délicate limite entre permettre l'apprentissage ou l'endoctrinement. A travers un final et un épilogue, ce sera bien l'acceptation de sa différence par les autres, mais aussi sa reconnaissance pleine qui se fera par une osmose parfaite avec le monde.
Un bémol cependant (mais ce sera le seul), c'est la deuxième partie du métrage. Mué par sa quête, Grenouille se met alors à vouloir capturer le parfum des jeunes filles (ce sera alors l'ultime but de son voyage). D'où une demie-heure "serial killer + profiler", des lieues en-dessous du reste du film. Pas déplaisant pour autant, mais bien moins intéressant.
Enfin, dernière qualité, mais non des moindres, c'est son esthétique. L'odorat étant ordinairement peu titillé par le grand écran, sans Odorama, comment faire? D'une mise en scène toujours calme et posée (à un plan-missile accéléré relativement inutile près), et d'une beauté plastique parfaitement maîtrisée, c'est l'image qui est au service des sens, transformant le film en expérience sensorielle. Forcément, on pourra rire (un peu quand même) de la facilité à filmer en hyper gros plan un nez en train de humer quelque chose. Soit. Mais, c'est aussi la force du récit (et aussi un certain effort d'adaptation de la part du spectateur) qui permet de dépasser cela. Grâce à des décors, des costumes mais surtout une photographie magnifiques, le film est un véritable enchantement pour les yeux.
Et donc, au final, une grande réussite.
Note : 92 %
Critiques presses
Movies-Books, Posté le samedi 23 octobre 2010 12:26
Film que j'aimerais beaucoup voir ^^